l'alpha

Publié le par louvemisss


La lune avait fini son travail. Elle s'étira, retirant son oeil bienveillant de la nuit pour donner le relais à un nouvel astre, dont les rayons éclaircissaient le sol en une multitude de couleurs. Car déjà l'aube commençait à sculpter les hauteurs enneigées de ses bras puissants : les lignes discontinues des montagnes devenaient plus arrondies, crayonnant le contour des collines encore endormis dans l'ombre. Leurs pins et leurs hêtres s'alignaient avec les mélèzes et les chênes, puis les châtaigners et les épiceas, tous ces arbres qui les tapissaient perdues dans la brume. Celle-ci gravait le paysage d'un blanc limpide et généreux. Ainsi, le soleil s'imposait, et fondait le brouillard semblable à de grands rideaux que le jour tiraient peu à peu, laissant transparaître les forêts vertes, foyers de créatures mystérieuses et sauvages, telles les loups.
C'est ce matin-là que le mâle quitta sa meute. Il avait revêtu son poil d'été, lui prêtant l'aspect maigre et affamé de ses cousins des pays chauds. Il avait un pelage clair, presque blanc, parsemé de légères tâches discrêtes, dont une bien précise colorait sa queue touffue. Des poils bruns tapissaient son visage pâle, où deux grosses pupilles jaunes miroitaient encore l'éclat furtif de la lune. Ses oreilles, un peu arrondies, se dressaient au moindre bruit suspect, comme s'il attendait un visiteur inconnu. Quelques fois, il humait l'air par des mouvements de truffe brefs et saccadés, avec une précision mathématique, comme pour s'assurer qu'il était toujours seul.
Il bénéficiait de longues pattes : elles lui permettaient de parcourrir de grands distances à allure régulière. Leurs coussinets se déposaient avec un aisance silencieuse, lui cédant la prétention d'un agile prédateur toujours impassible et réservé. Il descendit dicrêtement le grand talus, l'endroit où, plusieurs mois auparavant, la louve avait mis bas. Il traversa la forêt vivement : il esquivait chaque piège naturel comme un jeu d'enfant avec son adresse parfaite, propre à son espèce. Sur son corps souple et allongé se dessinaient des haillons de lumière, celle-ci osait timidement envahir la forêt nocturne. Le loup emprunta un vieux sentier, tracé en bordure du bois.
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